• De l'artiste

    Depuis longtemps déjà (devrais-je dire depuis toujours) j’entends parler de la place de l’artiste dans notre société, de sa valeur, de ses émoluments et de ses droits…

    Pourquoi tant de tumultes autour de cet animal ? Autour de ces professions ?

    Voici un peu les questions que je me suis posées et que je me pose encore et voici en gros ce que j’en pense et en retire…

    Il ne s’agit pas là d’une posture politique ou économique face à l’art

    et aux artistes mais plutôt une vision idéologique et sémantique sur ce qu’est (ou ce que devrait être) l’artiste et ce que sont ceux que l’on (ou qui se) nomme comme tels.

    (PS: les images utilisées ici sont soit libres de droit et récupérées sur le site du National Gallery of Art, soit des photos personnelles prises au LAM)

    De l'artiste

     

    Qu’est-ce qu’un artiste ?

    Si l’on reprend les définitions (affiliées à l’art) tirées du Larousse, voici ce qu’il en est :

    Personne qui exerce professionnellement un des beaux-arts ou, à un niveau supérieur à celui de l’artisanat, un des arts appliqués.

    Personne qui a le sens de la beauté et est capable de créer une œuvre d’art.

    Personne qui interprète des œuvres théâtrales, cinématographiques, musicales ou chorégraphiques.

     

    On constate déjà que le point de vue est large et non clairement défini. L’artiste ne se trouve pas que dans les beaux-arts (ce qui le différenciait de l’artisan) et à mesure que la quantité d’arts augmente (nombreuses sont les catégories qui souhaitent entrer, souvent à bon escient dans ce cercle très fermé) la notion se dilue toujours plus et se mélange parfois avec des fonctions qui ne relèvent pas de l’art en lui-même.

     

    Du point de vue de la société :

    L’artiste est et reste pour le grand public un faiseur de divertissement, une personne qui manie surtout l’agréable et bien peu l’utile. Alors bien-sûr nous pourrions discuter des heures autour de l’utilité de l’art et du divertissement en général et je suis convaincu que j’aurai une vision très proche de celle des artistes : l’art et le divertissement sont d’une utilité publique sans aucun doute, sans compter que l’art s’insère de plus en plus souvent dans l’utile. Il n’y a qu’à jeter un œil du côté des designers qui désormais, de plus en plus souvent, pratiquent leur art à des fins utiles, même parfois humanitaires… Ah oui, mais le designer est-il un artiste ? ;)

    Nous en revenons au point de départ de notre discussion… qu’est-ce que l’artiste ?

    Et par conséquent, comment lui donner une valeur, lui permettre de vivre de son art si l’on ne sait même pas vraiment qui il est, ce qu’il est, ce qu’il fait ?

    Mérite-t-il vraiment notre attention, ces tonnes de gloire (pour quelques élus) et de billets alors qu’il n’est pas « productif » au sens capitaliste du terme et « ne sert à rien » dans notre société ?

    Tout le monde peut se désigner artiste, tout le monde peut le devenir, ou tout du moins, tout le monde le croit. Et de ce point de vue-là, j’estime notamment qu’un artiste comme Jean Dubuffet n’a pas fait que du bien à l’Art et à ses artistes. Sa notion d’art brut et son travail « comme s’il n’avait pas appris l’art » ont sans doute créé dans l’imagerie collective cette idée que n’importe qui peut être artiste et qu’il ne sert à rien d’apprendre ou se former à l’art…

    Pourtant, si l’on reprend bien les œuvres et principes de Dubuffet, ce n’est pas exactement ce qu’il dit. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’il a qualifié d’art brut les travaux de toutes ces personnes (aliénées ou très rurales et n’ayant aucun lien avec l’art) qui créaient sans formation, sans apprendre, juste parce que le besoin de produire était tel, horriblement présent, prégnant, qu’ils ne pouvaient faire autrement que de sortir ces poussées créatrices en œuvres.

    Est-ce de l’art ? Pour Dubuffet, oui. Et s’il on en croit le Larousse, nous ne pouvons que nous incliner et valider cette acception. Mais il ne s’agit pas d’art au sens premier du terme et encore moins au sens élitiste que l’on peut lui connaître. Et une distinction se doit d’être faite entre l’Art (les Arts) et l’art brut, même pour l’artiste qui mit à jour cette forme de création.

     

    A mon sens, les troubles autour de l’artiste et de ce qu’il crée sont surtout dus à cette définition floue et aux valeurs hétérogènes qui la composent.

     

    De mon point de vue :

    « Voici le temps venu d’aller prier pour mon salut… »

    Je cite Brel car je sens qu’au détour de mes pensées je risque de ne pas me faire que des amis… Notamment chez les artistes ou revendiqués comme tels.

    Si je reprends le fil de ma pensée et de mon petit argumentaire, l’artiste est double, triple, voire quadruple ! Et il devient évidemment impossible d’appliquer une mesure identique à des fonctions, des modes de vie qui n’ont rien en commun.

    Je m’explique, derrière le terme d’artiste je vois (par combinaison des points de vue relatés juste avant) celui qui a appris, qui a travaillé son art et le pratique uniquement à des fins professionnelles, mais je vois aussi celui qui est envahi de poussées créatrices, celui qui est doué, qui invente et produit des œuvres souvent incroyables sans même y avoir été formé. Il y a enfin celui qui cumule les deux, celui qui, à la fois est dévoré par la passion créatrice, mais qui a aussi été formé pour cela.

    Trois points de vue, trois idées, trois images de l’artiste… Trois ? N’avais- je pas dit quadruple ?

    Oui, c’est là que les choses se gâtent… De mon point de vue, aucune de ces définitions ne siée au terme d’artiste, même si l’une d’entre-elles me semble la seule possible permettant d’accéder à ce statut.

    Et voilà où je souhaitais en venir. Pour moi, artiste n’est pas une fonction, ni un métier, encore moins un choix… Artiste est un statut que l’on ne choisit pas, que l’on atteint, une postérité offerte par ses contemporains ou par l’avenir et qui ne se trouve en aucun cas lié à un emploi ou à un cadre bien défini.

    Oui, je peux entendre que ça chahute ou que ça cogite, que ça souhaite répondre et m’envoyer valser… Mais laissez-moi finir.

    Revenons d’abord sur les trois premières visions de l’artiste.

    La deuxième, l ’  « artiste » non formé, l’  « artiste brut », uniquement créateur ne mérite pas le nom d’artiste (et je peux vous dire qu’il m’en a fallu des années pour accepter cette idée et réussir à vous l’écrire aujourd’hui). Il est juste un créateur, un auteur, un inventif, mais ce n’est pas un artiste. Il ne maîtrise pas l‘Art, son histoire, ses techniques, ne l’a pas appris et ne peut donc en saisir toute l’essence.

      La première et la troisième interprétation du terme artiste sont très proches car la formation est la même et à l’heure actuelle les deux peuvent répondre au nom d’artiste ou d’artisan, selon le lieu, le domaine ou le travail réalisé. Ma vision (irréaliste je l’entends) serait que le premier soit  un ouvrier, capable de produire, de reproduire, sans force créatrice, simplement en copiant et en agrémentant ses productions d’idées saisies ça ou là. Le troisième lui devient artisan, il invente, crée, produit de l’art, mais ne le révolutionne pas, ne le modifie pas, ne le sublime pas. Et au final, dans notre société, tous deux auraient sans doute le droit au nom d’artisan, la limite étant fort peu décelable aux yeux de non avisés, et seul le résultat et la qualité de leur travail permettrait de les différencier.

    C’est ainsi donc que je qualifierai l’intégralité de ceux qui se réclament artistes : artisans ! Et n’y voyez aucun dessein péjoratif ou souhait de rabaissement de la valeur du travail de ces personnes. J’en connais quelques-uns, apprécie vraiment ce qu’ils font, mais s’ils veulent un statut social et professionnel digne de ce nom, représentatif de ce qu’ils font et ayant un sens profond de maîtrise d’un art, il me semble que la qualification d’artisan leur convient mieux et ouvrirai enfin à toutes ces personnes une réelle place et un réel statut au sein de notre société.

    L’artisan produit de l’art dans quelque domaine que ce soit et mérite d’être respecté et glorifié pour cela.

     

    En guise de conclusion:

    Mais que devient l’artiste me direz-vous ?

    Qui appellera-t-on ainsi ? Personne ?

    Je vous répondrai que la notion d’artiste reste (et restera) floue et impartiale et qu’elle ne dépend de toute manière en aucun cas de la volonté de l’artisan de l’être ou de le devenir. Il peut le clamer tant qu’il le veut, l’artiste n’est que celui qui est reconnu comme tel par les autres, que ce soient ses pairs ou le grand public et pas celui qui se dit ou se décide artiste…

    C’est une sorte de consécration, un aboutissement, une reconnaissance, mais avant tout le mise en avant d’une véritable œuvre créatrice et novatrice dans un domaine artistique ou artisanal maîtrisé.

    Je reprendrai à nouveau Dubuffet qui dans sa volonté créatrice et son parcours a mis en avant l’idée fondamentale de ce qu’est un artiste : apprendre pour désapprendre.

    De l'artiste

    C’est ce qui motiva son art et ses créations et c’est je crois (en élargissant sa pensée) l’essence même de l’artiste et ce qui le rend si différent de l’artisan.

    L’artiste aura appris son art, ses arts, il les maîtrisera à un niveau supérieur, il aura la puissance créatrice, les idées et les moyens de tirer le meilleur de son art, mais surtout, l’artiste sera celui qui saura dépasser son art, oublier ce qu’il a appris pour créer quelque chose de nouveau, apposer sa patte sur l’art lui-même qu’il domine et lui offrir un nouveau chemin, une nouvelle voie, un nouveau cadre où s’engouffreront des milliers d’artisans qui tireront parti de cet univers naissant et le pousseront à son apex avant qu’un nouvel artiste n’y puise encore une fois l’élan de créer à nouveau quelque chose de neuf.

    Pour prendre un exemple proche, vidéo-ludique (oui c’est un art aussi) et je crois assez parlant, je dirai : l’artiste est celui qui a créé Minecraft, mais en aucun cas les internautes qui bâtissent monts et merveilles grâce à ce jeu ou créent des mods tous plus incroyables les uns que les autres. Ils ne sont que les artisans de ce microcosme… Mais sans doute un jour l’un de ces créateur artisan trouvera en lui et grâce à la pratique et la maîtrise le moyen de créer quelque chose qui sublimera tout ce qu’il faisait avant et alors, seulement à ce moment-là, on pourra dire qu’il est devenu un artiste.

     

    Amis artisans, battez-vous enfin dans le bon sens, réclamez un véritable statut social et professionnel et cessez de vous battre pour une arlésienne ou pour un terme dont le sens est bien trop galvaudé dans notre monde moderne et n’a plus de sens cohérent…

    Reprenez vos droits en tant que producteurs d’art et laissez au temps la capacité de redonner au terme d’artiste sa vraie valeur et aux autres le soin de vous octroyer ou non le terme d’Artiste !

    De l'artiste

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